... peu à peu les rangs se sont étoffés. Presque à l'heure, avec le décalage qui sied si bien à la fantaisie. Et par un prompt renfort, bientôt, nous fûmes cinquante !
Les invités amenant qui à boire, qui à manger. Trop ! Et trop bon ! Oui, certes, il avait bien été précisé sur les affiches que ce serait une auberge espagnole, sangria à l'appui. Mais... mais, fallait-il tant amener et pas seulement sa soif de mots et d'idées ? Le reste, terrestre, liquide ou sec, moelleux ou visqueux, odorant ou gouleyant, ne servant qu'à étancher quelques soifs pardonnables et quelques désirs naturels du ventre !
Le risque, soudain, apparut dans tout son éclat, donnant des sueurs froides aux organisateurs... et si la soirée allait finir non en eau de boudin mais en orgie ? Pauvres têtes ! Qu'allaient devenir les rêveurs d'idéal au milieu de cette débauche de mets ?
Jacques et de quoi satisfaire les grands gosiers
Ils tinrent bon, usant juste ce qu'il faut des substances ayant des effets digestifs ou oniriques. Et les premiers vers, prononcés par Diégo, 5 ans, "Alicante", ouvrirent le chemin du paradis :
Une orange sur ma table et toi dans mon lit
Suivirent Cécile et sa lecture de l'"Inventaire".
(...) un jardin
des fleurs
un raton laveur
une douzaine d'huîtres un citron un pain
un rayon de soleil
une lame de fond
six musiciens
une porte avec son paillasson
un monsieur décoré de la légion d'honneur
un autre raton laveur (...)
Les Frères Jacques et l'InventaireSuivirent d'autres enfants et d'autres parents. Et des parents avec des enfants ! Ils avaient emmené avec eux Verlaine, Baudelaire, Desnos, Cocteau, Apollinaire, Supervielle, Ronsard, Eluard, Hugo...
Demain dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne
La nature est un temple où de vivants piliers
Dans la plaine les baladins
La mer veille. Le coq dort.
Interprétation d'un slam familial, "Roméo kiffe Juliette" de Grand Corps Malade
"Après la bataille" il y a toujours de l'espoir...
La poésie vient de tous les horizons. Julien offrit sa voix au chant créole ; Ortwin et Karine nous firent découvrir Hölderlin en version originale et en traduction ; Henri nous emporta en langue espagnole avec Federico Garcia Lorca.
La poésie, c'est aussi des moments nostalgiques !
Et les temps morts - peut-on décemment appeler ainsi le silence ?- furent comblés par le défi de la Grande Gidouille. Mériter le titre de sénéchal et recevoir l'authentique trophée... en voulant bien tirer au sort une enveloppe à gage. Et illico le réaliser : mimer le poème, inventer ses rimes, intervertir les noms communs ou changer les couleurs, craquer une allumette Le Lion et ouvrir une boîte de sardines pour les dévorer... afin de s'approprier un poème de Cendrars, Tardieu, Devos, Queneau, Ben Jelloun, Andrée Chédid. Etc.
John apportait un plateau
sur lequel était un bateau
L'épicerie de Si Abdessalam
Du vinaigre doux dans une bouteille en plastique
Comme nous pénétrions dans la baie de Rio
Un paillon grand comme la main est venu virevolter tout
autour du paquebot
Je hais les haies
Qui sont des murs
"Quant à moi" dit la Virgule
J'articule et je module
Minuscule, mais je régule
"Ixatnu siofnnut i avay" :
Y avait une fois un taxi
Taxi, taxi taximètre / Taxi, taxi, taxi cuit
Avant de se quitter, passé onze heures, quelques voix encore vibrèrent pour quelques tabous mineurs. Et "Bonne nuit les petits"...
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